Partage d'une enseignante qui a expérimenté la classe dehors
Sabrina RICART
Enseignante en CE2 à l’école St Exupéry de NOEUX-LES-MINES
Témoignage de l’enseignante qui explique pourquoi elle a mis en place la classe dehors , les effets recherchés et les difficultés rencontrées et qui donne quelques conseils aux enseignants qui aimeraient se lancer :
Qu’est-ce qui t’a amenée à expérimenter la classe dehors ?
Enfin… je portais mon tablier de « Entrons dans l’action« …alors allons-y !
Je vais vous raconter l’histoire.
J’ai participé à un vaste projet, il y a quelques années, d’échanges avec de nombreux pays dont la Nouvelle Zélande et le Canada. J’y ai découvert une certaine souplesse à la façon d’enseigner et cela m’a amenée à faire davantage confiance en mes élèves.
Pour cela, il est essentiel d’installer l’esprit de groupe, placer au centre l’entraide et les échanges. La critique doit être acceptée et même reconnue comme importante si on veut progresser.
Quoi de mieux que de sortir de la classe pour travailler tout ça?
Je participe tous les ans à la journée internationale de l’école en plein air( en mai). J’ai même eu la chance de remporter le concours avec ma classe il y a quelques années. Au début, j’ai pris cette journée pour une journée exceptionnelle, un rituel une fois par an…Puis j’ai invité une classe du Canada à nous y rejoindre, c’est alors que nous avons appris que chez eux, c’était presque quotidien. Toutes les matières peuvent être enseignées à l’extérieur. Nous avons vu nos amis dans la neige, avec une tenue de ski, gants, bonnet, lunettes…
Pour nous, parfois, une petite pluie et nous restons dans la classe…Je me suis surprise à dire en récréation, » Ne saute pas dans les flaques ! » Et là, ça a été le déclic ! Pourquoi mettre autant de règles, de barrières ?
N’est-ce pas le meilleur âge pour sauter dans les flaques? On dirait une chanson de Renaud mais c’est vrai, ça fait du bien un peu de liberté. C’est à partir de ce moment que nous sommes sortis.
J’aime proposer la matière, les objectifs aux élèves et ensuite les laisser agir. De cette manière, nous avons mis en place beaucoup d’activités en mathématiques et en français et nous avons expérimenté beaucoup de façons de faire pour aborder des notions, pour s’entrainer. Je constate qu’en extérieur, je suis spectatrice et que tous sont actifs aujourd’hui.
Nous testons puis rédigeons ensemble l’activité menée dehors, nous apportons mes élèves et moi les aménagements nécessaires. Il participent à l’organisation matérielle, à l’élaboration des consignes et même à la différenciation « on peut mettre ça pour les matelots, on peut faire comme ci ou comme ça «
En extérieur, on bouge, on se dépense et pendant les moments collectifs comme pour les corrections, les explications, je remarque que tous sont attentifs, certainement lié au besoin de souffler. Je dirai que l’école en plein air, c’est : » Je bouge, j’apprends par moi même, je me pause, on m’apporte pour apprendre ».
L’école dehors se fait donc en 2 temps : un temps où l’élève est actif (physiquement et mentalement ) et un temps où il a besoin de souffler et c’est à cet instant qu’on apporte les savoirs, qu’il se pause pour recevoir. Et dehors, c’est bien plus efficace que devant un tableau !
Pour que ce soit tout de même construit et pour m’assurer de prendre un bon départ dans ce mode d’enseignement, j’ai participé à une animation Canopé sur Arras avec Amandine (collègue de CE2). J’y ai échangé avec une collègue de maternelle qui a instauré la classe en plein air tous les vendredis.
Je ne me vois plus rester toute la journée dans ma classe aujourd’hui, j’ai même laissé mes talons au placard pour des baskets.
Sortir enlève le stress, la fatigue chez mes élèves comme chez moi. Une séance par jour, c’est suffisant. Elle n’est pas sur des horaires fixes. Cela permet de faire un contrat avec les élèves, on ne sort que si la classe tourne. Je n’ai aucun règlement de classe mais un seul mot : respect.
L’école en plein air, c’est ça. Se respecter, respecter les classes autour de la cour, respecter les camarades car pour être au grand air, pas de temps à perdre pour des chamailleries.. Et ça fonctionne, même dans une cour sans nature !
Quels sont les effets constatés ?
- Le grand espace permet à l’enseignant de prendre du temps avec chacun et de voir les élèves en action plus facilement qu’en classe.
- Les enfants se dépensent et de retour en classe, ils sont plus posés, concentrés. D’un autre côté, il faut que ça tourne en classe pour pouvoir sortir. Je leur explique qu’on a un programme à respecter et que ce n’est pas une récréation. On crée donc les règles et aménagements ensemble.
- Être dehors permet d’utiliser les sens : ils doivent écouter, sentir, ressentir …
- Renforcer l’esprit de groupe
- Mémoriser car on quitte le confort de la classe, on ne prend pas forcément les outils, les cahiers de leçons.
- Le bruit : ils parlent fort mais ne sont dans l’environnement bruyant de la classe. Quand on se concentre, les oiseaux, le vent.. nous accompagnent (un travail sur le bruit est important lors des premières séances afin de savourer pleinement l’école en plein air)
Quels seraient les obstacles ?
- Les fortes pluies
- L’environnement : Nous avons la chance d’avoir un préau
- Par la suite, penser au matériel comme des planches à pince, de grosses craies, des tabourets, des tapis…
Quels conseils donnés aux collègues qui aimeraient se lancer ?
- Oui, on peut faire classe dehors même si c’est une cour sans espace vert avec un peu d’imagination !
- Ne vous inquiétez pas de l’avis des parents ! Il est très positif … sauf lorsqu’il fait froid, il y a des craintes pour certains parents. Il suffit alors de demander de laisser en classe gilet, écharpe, bonnet en dépannage. Après, comme cela est une habitude, je n’ai plus aucune remarque. Il s’agit de bien préciser à la rentrée que nous adaptons le temps des séances en extérieur à la météo et que cela ne peut fonctionner qu’avec une entente école/parents. Il faut mettre en avant les points positifs et éventuellement les inviter afin qu’ils puissent prendre conscience qu’une séance en extérieur n’est pas une récré et que les élèves apprennent aussi par le corps, par le mouvement
- Ne pas trop programmer afin de voir les actions et actions des élèves. Tant que les bases du respect sont établies, le reste avance naturellement. En extérieur, aucun affichage ou presque donc les élèves font appel à la mémoire, à l’entraide. Contrairement au travail sur ardoise en classe, on ne se cache pas pour dessiner car un passage au poste de commande doit être obligatoire ! 😉
- J’ai rédigé un document justifiant mes sorties régulières et donné celui-ci à mon directeur en cas d’accident car sur mon emploi du temps, ce n’est pas une séance de sport (ou une récré plus longue) au cas où il faudrait appeler les pompiers. Je n’ai pas trouvé d’informations sur ce sujet mais aujourd’hui, je pense que cela est plus prudent.
- Et enfin, il faut OSER se lancer. Cela prend du temps à mettre en place, mais c’est vraiment super !